Sur un forum du Net dédié aux parents célibataires, une mère confie : « Depuis que son père est parti vivre à l’étranger, mon fils de 3 ans colle systématiquement tous les hommes que nous croisons. Souvent il les appelle Papa et je ne sais pas où me mettre ! » Si Céline, qui élève seule son garçon de 11 ans, n’a jamais connu une telle situation, elle aussi évoque des difficultés spécifiques à son statut de « parent éducateur exclusif » : « Depuis qu’il est entré dans la pré-adolescence, Joachim a tendance à ne plus m’écouter et même à me manquer de respect. J’ai toujours eu l’impression d’endosser un rôle tantôt maternel, tantôt paternel vis-à-vis de mon fils, mais là, je me dis qu’il aurait bien besoin qu’un homme puisse le recadrer du son de sa grosse voix. »
Pas facile d’endosser tous les rôles, pas facile de résister à la tendance fusionnelle et à la culpabilité, bien sûr, de ne pas y arriver. Pas simple de ne pas s’inquiéter pour la suite : « Deviendrat-il forcément homo ? Ou dépendant affectif, s’interroge Sonia, qui élève seule Simon, 5 ans. Je sais que la question est ridicule, mais il m’arrive de vraiment me le demander. On est si proches, tous les deux, comme connectés. Il sent tout ce que je ressens, et réciproquement. Peut-être comme toutes les mères et leur enfant, mais dans ce contexte, ça m’angoisse et ça me culpabilise. Comment réussironsnous à couper le cordon ? J’ai peur que ça ne l’étouffe à la longue. Que ça ne l’empêche de grandir. »
De plus en plus de garçons français sont élevés par leur seule mère : qu’ils aient perdu leur père quand ils étaient tout jeunes, ou qu’ils ne l’aient jamais connu ou « simplement » perdu de vue à la suite d’une séparation (comme 20 % des enfants de parents divorcés en France). Si l’éducation de ces enfants relève parfois du casse-tête pour leurs mères, celles-ci voient leur sentiment de culpabilité et leurs inquiétudes décuplés par la condamnation, de plus en plus prégnante et sans pitié, du statut de mère célibataire dans la société française.
Comme le résume la sociologue Dominique Mehl : « Le temps où Jean-Jacques Goldman fredonnait « Elle a fait un bébé toute seule » est définitivement révolu. Alors que la maternité en solo pouvait être considérée comme une marque d’émancipation à l’époque post-68, c’est aujourd’hui devenu l’un des plus grands tabous. »
Selon une récente étude de l’Ipsos, 42 % des Français estiment ainsi que les mères célibataires sont moins capables que les autres de fixer des limites à leur progéniture, 37 % des personnes sondées allant jusqu’à s’inquiéter du futur équilibre des rejetons élevés au quotidien par leurs seules mamans. Et certes, on ne peut pas sous-estimer les risques. Fusion, surprotection, laxisme… Les psychologues ne cessent de nous répéter que les enfants, pour grandir de façon équilibrée, ont absolument besoin d’un « tiers séparateur » leur permettant d’échapper au cocon, potentiellement étouffant, formé par la dyade mèreenfant. Comme le résume le psychiatre Serge Hefez : « La triangulation permet d’éviter une relation trop exclusive avec l’un des parents. »
Ajoutez à cela l’incapacité présumée des femmes à assumer pleinement la fonction autoritaire vis-à-vis de leurs enfants (notamment de leurs garçons), et vous comprendrez pourquoi les fils à maman ont si mauvaise réputation : pas un journal de 20 heures sans qu’on nous explique que les garçons (mal) élevés par leurs mamans solos finiront forcément par redoubler à l’école ou devenir délinquants (et la loi du père dans tout ça ?). D’autant plus que leurs mères ne roulent généralement pas sur l’or. Selon l’Observatoire des inégalités en France, un tiers des familles monoparentales seraient en situation de pauvreté, contre moins de 11 % des couples.
Alors, comment démêler la réalité du fantasme ? Si le discours ambiant, extrêmement moralisateur et anxiogène, est caricatural, il serait angélique de nier les difficultés des mères célibataires, comme les éventuelles souffrances des garçons grandis sans père. Afin d’en savoir plus, nous avons donné la parole aux principaux intéressés. Ont-ils grandi différemment des autres ? Comment ont-ils construit leur propre vision de la virilité ? Comment sont-ils devenus (ou pas) pères à leur tour ? Trois « fils à maman » aujourd’hui adultes nous expliquent, tout en subtilité, comment ils sont devenus hommes, à leur façon.
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,que-sont-devenus-les-fils-a-maman,720203.asp
Source : Marie Claire : Bien-être