Chaque image glorifie les soldats de l’EI
Des chants religieux accompagnent les messages sur fond noir, tel « Allah interdit toute intégration », des photos d’enfants mutilés. Une voix off encourage les femmes à participer aux combats. Une opposition revient continuellement : les « véridiques » contre les incroyants. Le montage vidéo se veut dramatique, inquiétant, comme la bande-annonce d’un film catastrophe hollywoodien.
Omar Diaby, interviewé en novembre 2014 en Syrie par la chaîne Al-Jazira, continue sa promotion de la construction d’un califat, répétant : « Allah a dit d’encourager les croyants au combat […]. Nous leur faisons savoir que la “hijra” [l’hégire], c’est obligatoire pour eux et que vivre dans les pays occidentaux est interdit. » Si les arguments employés par ces communicants djihadistes s’inspirent de dogmes révolus, voire absurdes, leurs méthodes rappellent celles, ultra-efficaces, de l’industrie du cinéma et des jeux vidéo.
On note une évolution entre des films tournés avec peu de moyens par des amateurs et d’autres plus impressionnants, considérés comme « institutionnels ». « Au départ, Daech communiquait tous azimuts, explique Loïc Garnier, directeur de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste [Uclat]. Aujourd’hui, ils essaient de limiter cette communication non institutionnelle. Ils ont compris que c’était dangereux de permettre à leurs combattants d’avoir un téléphone portable, de risquer d’être géolocalisé et identifié. »
Le film « Flames of War », conçu comme un documentaire à sensations, reprend les codes américains du divertissement. Diffusé sur YouTube en anglais, il est produit par Al-Hayat Media Center, l’agence de presse du « califat islamique », productrice de la plupart des vidéos « institutionnelles » de Daech, siglée d’un logo en lettres dorées, pastiche de celui de la chaîne Al-Jazira. Enrichie d’effets spéciaux, chaque image glorifie les soldats de l’EI que l’on voit mourir au ralenti dans des explosions bordées de flou. Les combats semblent mis en scène, mixés avec des séquences d’agonie de moudjahidin élevés au rang de martyrs.
Certains n’attendent pas de partir faire le djihad, pour investir le Web. La Syrie est encore un pays en paix quand en 2009 Yanis Belhamra, un gamin de Bezons dans le 95, crée sa page YouTube. En quête de notoriété, il diffuse des vidéos dont il est l’acteur principal : dansant sur scène lors d’un concert de la chanteuse Amel Bent, imitant Michael Jackson sur le quai du métro parisien.
Deux mille personnes regardent ses performances. La Toile offre une échappatoire aux conflits qu’il connaît dans sa famille. Livreur de pizzas, il manque de perdre la vie dans un accident de scooter et se brise plusieurs dents. Après cette épreuve, exit le roi de la pop, Yanis idolâtre un autre dieu, Allah. Tombé dans le radicalisme, il porte la barbe et le qamis (vêtement long traditionnel). Et lance des appels à la prière. Un plan naît dans sa tête : partir en Syrie, le nouveau paradis des endoctrinés. Le Web est une zone de liberté pour ses délires radicaux.
Djihadiste en herbe, il trouve même, en ligne, une compagne de voyage. Sur le site de rencontre Badoo, il discute avec Bianca1, 16 ans. Le don Juan barbu ne lâche pas sa proie. Elle sera sa femme et portera ses enfants. Sept mois après leurs premiers échanges, elle se convertit. Fin 2013, le couple s’envole pour Istanbul, mais donne des nouvelles à la famille par mail.
C’est ainsi que Bianca annonce à sa mère qu’elle est enceinte. Elle accouche en Syrie près de la frontière irakienne, le 7 décembre 2014, d’un petit Moussa. Un futur terroriste ? Yanis apparaît, lui, dans une vidéo intitulée « Nous vous attendons », diffusée en ligne par Al-Hayat Media Center. On y reconnaît à peine l’ancien danseur de YouTube. Le regard dur et la main gauche accrochée à sa kalachnikov, Yanis, métamorphosé, se fait appeler Abdoul Wadoud, porte un treillis et un pakol, le béret beige du commandant Massoud.
Son sourire, édenté depuis son accident de scooter, laisse croire à une blessure de guerre. Sur les hauteurs d’une ville située en plein désert, il récite un discours guerrier et se présente comme le porte-parole français de l’EI, un drapeau noir flottant derrière lui. Citant des sourates (les chapitres du Coran), il menace la France et le président de la République : « J’adresse ce message en direct de Dabiq, en Syrie, aux judéo-croisés ainsi qu’aux coalisés et plus particulièrement au porc de François Hollande… »
Un message pris au sérieux par les autorités françaises. Loïc Garnier confirme : « C’est une menace supplémentaire. Elle est élevée dans tous les pays occidentaux. Mais la France est en tête parce qu’elle a été présente en Libye et au Mali et participe aux bombardements de la coalition. » Yanis n’est pas le seul recruteur à épouser ses cibles. Mourad Fares, djihadiste français, aurait, depuis la Syrie, contracté une centaine de mariages par de simples échanges de consentement sur Skype. Ainsi, toutes les interfaces Web sont investies par la « djihadosphère ».
Source Article from http://www.msn.com/fr-be/actualite/monde/le-djihad-marketing/ar-AAazmPI?srcref=rss
Source:MSN Belgique – Outlook, Skype, toute l’actualité en continu