« C’est un fait, les femmes politiques sont assignées à leur apparence, constate Jamil Dakhlia, chercheur en communication politique. Il y a plus de vigilance, d’exigence, de sévérité, envers leur tenue vestimentaire qu’envers celle des hommes. Leurs collègues, les médias, le public (femmes et hommes) ne leur pardonnent rien. Et plus une femme affiche sa féminité, plus elle risque un « procès » de ses adversaires en incompétence et illégitimité. »
On se souvient des quolibets visant la robe à fleurs portée par Cécile Duflot, encore elle, quelques mois plus tard, devant l’Assemblée nationale. Une police du style existe-t-elle à l’Assemblée ou à l’Elysée ? Des consignes sur la bonne longueur, le décolleté ou la hauteur des talons ? Pas de règlement intérieur, non, mais tout est bon pour faire passer une adversaire politique pour ce qu’elle n’est pas. Exemple : le tweet de Franck Keller, conseiller municipal divers droite de Neuilly-sur-Seine,contre la ministre de l’Education nationale : Avec, à l’appui, une photo de la ministre vêtue d’une jupe courte…
Dans ses précédentes fonctions, Fleur Pellerin, alors ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Economie numérique, a elle aussi fait la joie des réseaux sociaux en gravissant le perron de l’Elysée avec une robe qui remontait (malgré elle) haut sur ses cuisses, façon minirobe. « Un politique, femme ou homme, ne peut se permettre toutes les excentricités en public, commente, anonymement, une conseillère en communication. Celles qui s’affranchissent des signes extérieurs de respect dus à la fonction doivent ensuite assumer les conséquences, et ne pas crier au sexisme quand elles bousculent les codes. »
Certes, mais face aux photographes, le moindre détail qui cloche peut déclencher un bad buzz. « Un jour, j’ai porté la même robe dans deux déplacements et j’ai été critiquée pour cela », se souvient Aurélie Filippetti, ex-ministre de la Culture. Quant à Nadine Morano, elle s’est énervée contre « Les Guignols de l’info », sur Canal+, pour les mêmes raisons : « Ma marionnette portait une veste imitant celle que j’avais portée plusieurs fois de suite dans des manifestations publiques. Eh oui, une ministre ne s’achète pas une tenue par jour et n’a pas que ça à faire ! »
« Qu’on soit trop ou pas assez (au choix) élégante, chic, féminine… on est critiquée, s’agace Aurélie Filippetti. Donc la pente naturelle pour ne pas avoir de problème, c’est le tailleur-pantalon noir ou bleu marine et les chaussures plates. »
« Elles s’autocensurent car couleur, bijoux, coiffure, maquillage… tout ce qui sort de l’ordinaire est surinterprété », commente Jamil Dakhlia. Exemple : le look d’ado quasi gothique de Nathalie Kosciusko-Morizet en cuissardes et mitaines, en 2009, décodé par certains comme un manque de maturité. Dès la fin des années 90, Elisabeth Guigou, première femme garde des Sceaux, avait bien compris que le style est un outil de communication. S’emparant des codes masculins, elle a popularisé le tailleur-pantalon noir ou anthracite + chemise blanche, équivalent symbolique du costard-cravate des hommes. Un « uniforme » passe-partout, discrètement féminisé par une écharpe, également porté par Valérie Pécresse, ex-ministre du Budget, Anne Hidalgo et Najat Vallaud-Belkacem. Le message subliminal : « L’important c’est de m’écouter, pas de me regarder. »
Bref, zéro prise de risque. Variantes : Christiane Taubira et Angela Merkel, toutes deux abonnées aux vestes, noires ou colorées, déclinées dans tous les tons. « Le tailleur-pantalon, c’est une assurance tranquillité, mais quel ennui ! » sourit Aurélie Filippetti, pour qui « la mode est un art qu’il faut aimer et valoriser ». L’ex-ministre et députée PS de la Moselle fait partie de cette nouvelle génération de politiques qui joue avec la mode, particulièrement dans les grandes occasions. « Lors des passages télé, j’évitais de faire de la publicité à telle ou telle marque. En revanche, lors des festivals et cérémonies officielles, je veillais toujours à valoriser des jeunes créateurs français ou installés en France : Rabih Kayrouz, Christophe Josse, Maurizio Galante, Alexis Mabille, Bouchra Jarrar, Céline Meteil, Vanessa Bruno, Barbara Bui… Pour une occasion exceptionnelle, Chanel, Balenciaga et Saint Laurent m’ont prêté des robes. » Son couturier préféré ? « Courrèges, pour son style inimitable, à la fois futuriste et féminin, et parce que ce sont des amis qui dirigent l’entreprise, avec le souci de la qualité et de la production en France. »
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,look-des-politiques-comment-utilisent-elles-leurs-vetements-pour-affirmer-leur-pouvoir,735870.asp
Source : Marie Claire : Bien-être