« Chez nous, on se refile du Lysanxia comme on se dépanne avec du Doliprane ou un Tampax », raconte en se marrant Nathalie, 35 ans, commerciale dans une agence de communication. Chaque matin, Tessa, 28 ans, part au travail la boule au ventre : « Un jour, j’étais tellement angoissée qu’une copine m’a filé un Xanax. En vingt minutes j’étais mieux. » Vanessa, 40 ans, est divorcée : « Je me sentais débordée, pas calme, avec l’impression que je n’allais pas y arriver. » Son psy lui a prescrit un antidépresseur de la famille du Prozac. « J’ai moins de hauts et de bas. Je compare ça au fait de porter des lunettes : pourquoi un myope devraitil continuer à voir flou ? Pourquoi souffrir si on peut faire autrement ? »
Trois femmes, trois exemples qui démontrent que ce qui était exceptionnel hier est devenu banal. « Le médicament « psy » est devenu un bien de consommation comme un autre », constate Monique Debauche, psychiatre à la Free Clinic, à Bruxelles. « Les patients viennent à mon cabinet en demande, remarque le psychiatre JeanYves Pérol (1), ils veulent absolument être soulagés, être sous anesthésie, ne plus sentir la douleur. Comme s’ils cherchaient à fuir la réalité. »
Le quotidien serait-il si insupportable qu’on ne pourrait l’affronter sans béquilles ? Le sociologue Danilo Martuccelli a son avis sur la question : « L’expérience ordinaire de la vie est devenue une série d’épreuves : choisir son conjoint, choisir l’école des enfants, choisir de divorcer… » Sommées de faire des choix, nous voilà insécurisées, jamais certaines de prendre les bonnes décisions.
Pour le chercheur, nous restons démunies face à ce paradoxe : nos vies personnelles n’ont jamais été aussi passionnantes, mais c’est à nous, individus, de donner du sens à notre existence. « Avant, poursuit le sociologue, nos trajectoires étaient déterminées par la naissance, nous ne bénéficiions d’aucun support extérieur. Etre désormais enjoints d’assumer la responsabilité de tout ce qui nous arrive, tout en aspirant à un mieux-être idéalisé, crée une grande tension. »
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Source : Marie Claire : Bien-être