Marieclaire.fr : Face à de tels événements, comment éviter le repli sur soi ?
Romain Bourdu : Pour une partie d’entre nous, il y a une réelle tentation de s’isoler et de se replier sur soi-même. Les attentats de janvier visaient Charlie Hebdo et certaines personnalités publiques, cette fois, ce n’est pas le cas. On se dit que cela aurait pu être nous, qu’on aurait pu se trouver à ce concert, dans ce restaurant… On peut aussi connaître des personnes qui ont été directement touchées ou s’inquiéter pour des proches vivants à paris. Tout ceci, favorise un sentiment d’insécurité, ce qui était d’ailleurs le but recherché.
Pour retrouver une certaine sérénité, il faut déjà éviter de nourrir ses angoisses. Cela semble évident, pourtant on est nombreux à les alimenter, sans s’en rendre compte. Par exemple, en restant accroché aux chaînes d’informations en continu.
Les personnes anxieuses, et qui ont la chance de ne pas avoir été directement touchées par ces événements, peuvent faire l’effort conscient d’identifier ce qui dans leurs comportements alimente leur angoisse. Il y a nécessairement quelque chose sur lequel elles peuvent agir.
Y a-t-il des choses concrètes que l’on peut entreprendre afin de soulager ses angoisses ?
Pour éviter de s’emmurer dans nos ruminations, il faut aussi se concentrer sur les choses sur lesquels on a du contrôle. On peut déjà se demander, qu’est-ce qui peut me faire du bien ? Au-delà des singularités de chacun, il y a trois choses qui peuvent nous faire du bien à tous :
Pratiquer une activité physique, que ce soit une promenade, du jardinage, ou de la natation… L’activité physique élimine les toxines sécrétées par les hormones du stress et libère des endorphines, ce qui favorise un sentiment de bien-être et facilite l’endormissement le soir.
Organiser des activités sociales, appeler ses amis et sa famille, les rencontrer, organiser des moments conviviaux, participer par exemple à un cours de danse, ce qui permettrait de mêler les bénéfices des activités physiques aux sociales ! Après de pareils événements, goûter la joie de se retrouver, d’échanger un regard, un sourire, ça n’a pas de prix.
Faire des gestes qui ont du sens, faire du bien aux autres. On peut allumer une bougie, donner son sang, participer à une manifestation, s’investir dans une association… L’idée est que du pire de ces événements, on fasse surgir le meilleur de soi-même.
Que dire à ses proches ? Comment se soutenir les uns les autres ?
Il y a des gestes tout simples comme prendre ses proches dans les bras, leur dire et leur montrer qu’on les aime, qu’ils sont importants pour nous. Plus que jamais, on peut leur faire cadeau de petites attentions. L’être humain est un être social et un être de contact.
Ces gestes simples, mais essentiels ont de réels effets bénéfiques sur le corps humain. Au niveau biologique, ils favorisent la sécrétion de l’ocytocine, souvent appelée l’hormone de l’attachement, qui a la propriété intéressante de faire baisser le niveau de stress.
Cette irruption brutale de la mort dans notre quotidien nous rappelle la fragilité de la vie, mais aussi sa valeur. Cela peut être l’occasion de savourer plus pleinement les moments partagés en famille et entre amis. Ils sont précieux et lorsqu’on est pris dans notre routine quotidienne, on a tendance à l’oublier.
Que faire face à un proche qui s’isole ?
Il faut se montrer attentifs à ceux qui ont tendance à s’isoler, ne pas les laisser seuls. Il s’agit de se montrer disponible et à l’écoute, on peut les aider à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Être inquiet, triste ou en colère est normal.
S’ils ont peur de sortir à l’extérieur, plutôt que de les laisser adopter des comportements d’évitement qui renforcent leur angoisse et les isolent, on peut leur proposer de les accompagner. De même, on peut se recueillir et rendre hommage ensemble. Il est aussi important et rassurant de partager des activités agréables, d’évoquer ce qui se passe de bien dans sa journée et de s’entraider. Ce sont ces petits rayons de soleil qui réchauffent le cœur et éclaircissent l’horizon.
Chez certains, ces évènements font ressurgir du passé des violences directement subies, comme un braquage ou un autre attentat, sous la forme de pensées intrusives. Si ces symptômes se poursuivent un suivi chez un psychologue formé à l’EMDR peut être bénéfique.
Différents dispositifs ont d’ailleurs été mis en place pour les familles des victimes et les témoins des attentats, que ce soit des lieux d’accueil ou des lignes d’écoute.
Comment rassurer les enfants ?
D’abord, il faut rappeler que l’enfant apprend par imitation, c’est-à-dire en observant et en copiant les attitudes et les réactions de son entourage. En particulier, il idéalise et prend pour modèle ses parents. D’où l’importance d’un travail sur soi, sur ses angoisses, une prise de recul pour choisir des mots adaptés, peut-être en discuter avec d’autres adultes avant, pour parler avec plus d’assurance. L’idée est de rassurer son enfant, pas de lui transmettre ses peurs.
Avant 5-6 ans, il est difficile pour un enfant de comprendre ce qui se passe, il a du mal à comprendre la notion même de mort, en revanche, il ressentira l’état émotionnel de ses parents, il est donc important de le rassurer notamment sur le fait qu’il n’est pas responsable de leur détresse. Et à ces âges, il est conseillé d’éloigner les enfants des journaux télévisés.
Pour les plus grands, il est important d’être transparent, de ne pas cacher la vérité, sans pour autant s’étaler sur les détails macabres. L’important est se mettre à sa hauteur, d’être factuel, d’utiliser des mots simples, adaptés à son âge.
On peut commencer par lui demander ce qu’il pense, ce qu’il a compris des évènements, en ayant une attitude ouverte et bienveillante. Il s’agit de partir de ce qu’il a compris, de rester humble, et d’éviter de devancer ses questions.
Et surtout ne pas forcer sa parole, si l’on voit qu’il ne souhaite pas en parler pour le moment. On montre simplement que l’on est disponible pour en parler quand il le souhaitera.
Il existe enfin différentes ressources pour répondre aux questions diverses de ses enfants, il y a le site EducAttentats, et les journaux à destination des enfants comme “Le Petit Quotidien” ont également fait des numéros spéciaux, téléchargeables gratuitement, pour répondre aux questions selon l’âge.
Merci à Romain Bourdu, psychologue spécialiste des questions liées au deuil et au stress. Co-auteur du livre “Se protéger du stress et réussir” aux éditions Eyrolles et co-fondateur du site d’information et d’entraide “Les mots du deuil” : http://deuil.comemo.org.
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,attentats-comment-parvenir-a-relever-la-tete,789553.asp
Source : Marie Claire : Bien-être