Témoignage d’Agnès, 45 ans.
Ça m’est tombé dessus, oui, j’y ai pensé. Je préfère le formuler ainsi, car « désirer » fait écho à quelque chose qui chatouille au creux du ventre, l’image est trop brutale, trop sexuelle, pour être supportable.
« J’ai franchi la ligne jaune dans ma tête pourtant je ne suis pas déviante. »
C’est arrivé il y a cinq ans, dans le verger de notre maison familiale. Nous étions tous alanguis dans des transats, en plein cagnard, mon frère était à côté de moi, torse nu, comme cela s’est produit des centaines de fois. A un moment, j’ai tourné la tête vers lui et j’ai vu des gouttes de sueur perler à la naissance de son cou, elles ruisselaient lentement sur son torse, je n’ai pas pu détacher mon regard, je les ai suivies une à une, tandis qu’elles glissaient entre ses poils. Je crois que j’ai oublié que c’était mon frère et je n’ai plus vu que l’homme. Je découvrais son corps pour la première fois, jamais je n’avais remarqué qu’il était si puissant, avec ce côté charnel qu’ont certains hommes, qui donne envie de se lover contre eux, de se faire chatte. Avant, mon frère avait un corps anatomique de frère : un tronc, des bras, des jambes, point ! J’ai toujours aimé ces perles de sueur sur mon homme après l’amour, le fruit de notre jouissance… Est-ce à cause de cela ?
Je me souviens avoir fermé les yeux de toutes mes forces pour expulser les images qui me venaient, mais dans ma tête, je ne m’appartenais plus, et à travers mes paupières, je nous ai vus, mon frère et moi, j’ai vu mes mains sur son torse, j’ai vu ses lèvres sur moi, mes sens appelaient cet homme, j’ai senti un truc physique très intense, je me dis que ça doit être ça, le tantrisme sexuel… (Elle se lève brutalement et s’éloigne. Elle fume plusieurs cigarettes avant de revenir s’asseoir, les yeux rougis.) Je suis mal. Verbaliser à voix haute est d’une violence inouïe, car cela donne corps à une réalité qui ne doit pas être : elle est l’innommable, l’inacceptable. Comment, moi, ai-je pu avoir cette pulsion… vouloir mon frère ? Je ne me le pardonne pas. J’ai trahi nos valeurs autant que la confiance de mon frère. Je culpabilise, car sur l’instant, je n’ai pas le souvenir d’un quelconque malaise, au contraire. Ça veut dire que j’incarnais ce désir. Ça me dégoûte.
Une pensée pareille, c’est une lame de fond qui laisse en mille morceaux, car pour moi, ce désir est le prologue du passage à l’acte. Ça a remis en question tout ce que je pensais avoir de bien en moi et, très vite, j’ai été tétanisée par un profond mal-être. J’ai vu mon psy en urgence, mais une fois devant lui, j’ai menti, j’avais peur d’être jugée. J’ai donc évoqué un rêve que j’avais fait. Il m’a fallu des mois pour parler comme on vomit. Quand il m’a assuré que ça n’avait rien à voir avec un passage à l’acte, j’ai senti le visage me picoter, la vie revenait… J’ai voulu témoigner pour me libérer un peu plus, et aussi pour dire que ça n’arrive pas qu’aux autres, aux personnes en rupture de valeurs morales.
J’ai une chouette vie, un mec génial et des enfants très mignons, pas de problèmes de couple, j’ai eu une enfance joyeuse et des parents aimants. Avec mon frère, on a toujours été proche, mais sans geste équivoque, nous ne parlons d’ailleurs pas de nos vies sexuelles. Il ne saura jamais rien, je ne pourrais plus le regarder en face, on m’enterrera avec ce secret. Il y a six mois, j’aurais dit « faute » à la place de « secret », j’avance…
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,avez-vous-deja-desire-votre-frere,728696.asp
Source : Marie Claire : Bien-être