Années follement 1920. Mademoiselle Chanel décide de se laisser « brunir » à Deauville. Scandale absolu. A l’époque, on découvre à peine les bienfaits de l’héliothérapie (cure de lumière) pour soigner les tuberculeux. La plage ? Réservée aux bains de mer et, s’il vous plaît, coiffée. Le chic du choc : avoir le teint blanc, considéré comme le nec plus ultra du distingué. Le hâle caramel du pêcheur de sardines, non merci : trop vulgaire, juge l’aristocratie en goguette, le doigt de pied dénudé effleurant l’eau tiède.
Mais Coco s’en fiche : elle aime l’ivresse que procure la vie en plein air et l’assume en maillot. Vive les cheveux courts et la liberté… de brûler. Car on ne dispose alors que de l’eau de Chaldée de Jean Patou, une huile de senteur raffinée qui ne contient pas de filtre. Il faut attendre 1935 pour qu’Eugène Schueller (fondateur du futur groupe L’Oréal) lance la ligne Ambre Solaire, qui protège la peau des coups de soleil. La lente conquête du bronzage s’amorce.
Un an plus tard, le Front populaire crée, en millions d’exemplaires, le « congé-payé », qui éjecte les valeurs guidées par la décence aussi vite qu’il se déshabille sur le sable, abandonné… Plus tard, au milieu des fifties, le cultissime « Et Dieu… créa la femme » de Roger Vadim enterre pour un temps le maillot une pièce. Brigitte Bardot y apparaît bronzée, habillée d’un bikini vichy, et entre dans la légende en dévoilant son… nombril. Les Françaises se ruent dans la brèche pour imiter l’icône sexy de la Nouvelle Vague et, un peu plus tard, Ursula Andress sortant de l’eau dans « James Bond contre Dr. No »…
Signe des temps, une poupée Barbie bronzée et en bikini est éditée. Ensuite ? Place à l’imagination suggestive avec les années de « libération », encore sous le contrôle de la censure. Romy Schneider et Alain Delon sont d’un érotisme inhumain dans « La piscine » (1969). Une vague libertaire et communautaire balaie l’Europe. Le Flower Power, venu de Californie dans les bagages des Beach Boys et autres beach girls, sonne à nos portes. Avec la pilule contraceptive, l’amour se libère, les sens aussi. Le goût, l’odorat et le touché, autrefois « vulgaires », sont au cœur des nouvelles préoccupations. Le bronzage est énergétique, tonique, indispensable. La graisse à traire, l’huile d’olive et même des cartons réfléchissants… tous les accélérateurs sont bons. Autobronzants compris. « Ne soyez pas un visage pâle ! » exhorte la publicité Coppertone.
Nous y sommes : le corps de bronze a détrôné le corps d’albâtre. Pourquoi cet engouement ? « Lézarder au soleil est un plaisir régressif. On peut le comparer à celui de se lover dans un bain chaud », explique David Demann, fondateur de l’analyse émo-comportementale. « Le soleil nous permet de synthétiser la vitamine D, précise Luc Sulimovic, président du Syndicat des dermatologues et vénéréologues de France. Il dope notre métabolisme. Les conduites solaires peuvent entraîner l’addiction, au même titre que le tabac. » Un plaisir à la fois énergisant et régressif. De quoi rendre accro…
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Source : Marie Claire : Beauté