Loin de moi l’idée de prendre la défense de Thomas Thévenoud* lorsqu’il justifie le fait de ne pas avoir déclaré ses revenus ni payé ses loyers et ses amendes par cette « phobie administrative ». Mais si certains spécialistes estiment que cette phobie n’existe pas, je suis pourtant (et certaines de mes collègues qui ont fait tomber le masque aujourd’hui aussi) persuadée d’en être atteinte. J’ai beau le proclamer haut et fort depuis des années à ma mère, elle me prenait juste pour une procrastinatrice feignante. Mais maintenant que je sais que je ne suis pas seule, je peux enfin mettre un nom sur ces tonnes de lettres même pas ouvertes, ces mois de retard sur les factures, cette anxiété face à la boîte aux lettres… La phobie administrative ! La preuve par 9 symptômes.
La boîte aux lettres, ennemi numéro 1
On lui jette un regard furtif de temps en temps, mais on préfère de loin passer devant sans y prêter la moindre attention. C’est la source de nos soucis. C’est elle-même, tel un corbeau, qui annonce les mauvaises nouvelles. Du coup, même quand Tante Julie nous envoie une carte postale de Palavas-les-Flots, on passe à côté…
Le courrier entassé derrière la machine à café
Malgré toute notre bonne volonté pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore, quelqu’un finit toujours par remonter le courrier (la gardienne, le mari, la maman, le pigeon voyageur…). Et le voici trônant dans l’entrée, pour nous rappeler que si, si, l’administration existe toujours. Très naturellement, on prend soin de caser chaque enveloppe derrière la machine à café. Ca, c’est fait.
Les dossiers, preuve de bonne volonté
Et puis un jour, ne me demandez pas comment, mais on décide de prendre les choses en main. C’est maintenant, c’est tout de suite. On prend cette satanée pile de courrier car la machine à café va bientôt tomber à force d’être décalée par toutes ces enveloppes. Et on trie. On jette toutes les enveloppes et les pubs (comme ça, on perd déjà la moitié du volume), et on fait deux dossiers : un « à traiter », un « à classer ». Et voilà. Rien n’a été vraiment réglé, mais on a l’impression d’avoir avancé.
La lettre cornée au fond du sac
Parfois, dans cet élan de bonne conscience, on a réussi à traiter un dossier. Mais une fois les démarches entamées, la lettre écrite et soigneusement pliée, reste encore à la poster (sans parler du timbre à acheter). Allez savoir pourquoi, mais lorsque l’on souffre de phobie administrative, cette fameuse lettre peut rester des mois dans un sac à main. On sait qu’elle est là. Mais elle fait désormais partie de notre « bordel », au même titre qu’un paquet de mouchoirs. Le jour où on décide de changer de sac par exemple, on se retrouve confronté à cette enveloppe cornée, grisâtre et tâchée. Et on ne sait plus quoi en faire.
La phobie administrative n’est pas la radinerie
Comme le souligne V. (une collègue qui a également fait son coming out aujourd’hui), la phobie administrative ne surgit pas uniquement lorsqu’il faut payer des factures. Elle existe aussi dans le sens inverse, lorsqu’il s’agit de se faire rembourser. Sécurité sociale, mutuelle… sont autant d’ennemis pour les phobiques que le Trésor public ! Tout contact avec une lettre et une enveloppe est source d’anxiété. Toute démarche semble insurmontable.
Le jugement des autres face à la phobie administrative
« Tu as déclaré tes impôts ? Tu as payé ton PV ? Changé ton abonnement téléphonique ? » ahhhhhhh mais de quoi les gens se mêlent ? Quand quelqu’un s’immisce dans la vie administrative d’un phobique, il peut devenir très agressif « Mais lâche moi ! », ou choisir plus simplement de mentir « Oui, c’est fait ».
La procrastination est différente de la phobie administrative
Etre phobique, ce n’est pas procrastiner. Il ne s’agit pas de repousser le moment où l’on va payer sa facture ou appeler son banquier. Mais tout simplement de l’ignorer. On y pense très souvent, mais on le refoule dans un coin de sa tête.
La saisie sur le salaire
Et un jour, on reçoit une lettre de son employeur (quand on a osé l’ouvrir !), et on apprend que l’administration a saisi une partie de notre salaire. Inimaginable pour certains, elle est monnaie courante pour d’autres. C’est le dernier maillon de la chaîne pour quelqu’un qui souffre de phobie administrative. Et bizarrement, elle arrive comme un soulagement. Certes, l’amende est majorée, mais au moins elle est payée, et on n’a rien eu à faire. Next.
La satisfaction de l’action
Mais le jour où vraiment, on ouvre le fameux dossier à traiter et qu’on finit par se lancer (souvent pour se rendre compte que ce n’était pas grand chose finalement), à nous la légèreté ! La sensation du devoir accompli n’a pas de prix ! Et on jure par tous les Dieux qu’on ne nous y reprendra plus. Jusqu’à la prochaine fois.
*ancien secrétaire d’Etat français au Commerce extérieur
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,confessions-d-une-personne-atteinte-de-phobie-administrative,721746.asp
Source : Marie Claire : Bien-être