A 42 ans, Elodie a fait une croix sur son désir de maternité mais, le soir de son anniversaire, elle rencontre un homme, et c’est le coup de foudre. « Sauf qu’il a douze ans de moins que moi et qu’il s’est mis en tête de faire un enfant. » Son gynécologue, un ami, lui dit : « Tu n’es plus un perdreau de l’année, on va aider tout ça. » La Sécurité sociale ne prenant plus en charge les fécondations in vitro (Fiv) à partir de 43 ans, Élodie choisit d’en faire cinq consécutives.
« Je l’ai décidé avec mon gynéco, raconte-t-elle. J’ai fait une mammo, clean. Mais j’ignorais le risque éventuel de complications. » Quinze mois plus tard, on lui découvre une tumeur de 15 mm. Depuis, elle ne peut s’empêcher de s’interroger :
C’était bizarre cette tumeur après les injections. Mon oncologue n’a jamais confirmé une relation de cause à effet, mais il m’a dit : “Cela devait être latent.” Ce type de cancer hormonodépendant se nourrit de nos hormones sexuelles, si on lui donne des doses de cheval, la tumeur se nourrit, non ?
Cette question que se pose Élodie revient très souvent sur le site de Rose Magazine, semestriel féminin à destination des personnes touchées par le cancer. « On les renvoie systématiquement vers les médecins, car nous ne le sommes pas, explique Céline Lis-Raoux, directrice du magazine, mais c’est vrai que ces derniers restent très prudents. Si vous développez un cancer hormonodépendant après vous être injecté des hormones, vous vous posez la question. »
FIV et cancers : des femmes à risques
Et la réponse n’est pas simple. « Les Américains ont beaucoup travaillé sur le sujet, confirme le professeur René Frydman, gynécologue. Depuis quarante ans, il y a des inquiétudes qui ne se confirment pas mais, pour autant, mon attitude ne consiste pas à dire : “Mettez ça de côté.” On sait notamment, grâce à l’étude Cochrane* en 2013, qu’il y a des femmes à risques. »
Fin octobre 2015, une étude menée par le professeur Alastair Sutcliffe, avec une équipe de scientifiques de l’University College London Hospital, a révélé qu’il existe un risque accru de cancer des ovaires chez les femmes stériles qui ont recours à une Fiv. Une enquête unique par son ampleur : de 1991 à 2010, ils ont comparé 250 000 patientes ayant subi une Fiv – obligatoirement enregistrées par la Human Fertilisation and Embryology Authority – à la population générale. Verdict : parmi elles, 15 sur 10 000 ont développé ce type de cancer, contre 11 sur 10 000.
« Le taux de cancer mesure la santé d’une population, explique le Pr Sutcliffe, et plus elle vieillit plus ce taux augmente. Là, on suit une population de femmes qui a subi un traitement puissant, et on se pose la question des risques. Si notre étude démontre qu’elles ne présentent pas plus de risques de développer un cancer du sein ou de l’utérus, elles sont en revanche plus exposées à celui des ovaires. Notamment, et c’est important de le souligner, dans les trois ans qui suivent le traitement, qu’il aboutisse ou non à une grossesse. »
La lucidité des patientes
Pour le Pr Sutcliffe, l’enjeu est double : convaincre les responsables britanniques de la santé de lancer une nouvelle politique de prévention, avec notamment « un test ultrason tous les six mois », et surtout de mieux informer les femmes.
Elles ne sont pas assez conscientes des limites de la fertilité. Quand c’est trop tard, la Fiv n’est pas la réponse. Et comporte des risques, certains médecins prescrivent des doses trop fortes d’œstrogènes.
Une inquiétude partagée par le Pr Frydman : « Il faut être modéré dans les doses prescrites et dans le nombre de tentatives** : une étude américaine a démontré qu’en dessous de douze stimulations il n’y avait aucun risque. Et douze, c’est déjà beaucoup. » Vigilance est le maître mot de notre spécialiste de la fertilité. « Vigilance aussi pour le profil de la patiente. Son histoire familiale par rapport au cancer, le tabagisme, l’obésité. Et il faut instaurer un suivi régulier, frottis, mammographies, tout en sachant qu’on n’a pas aujourd’hui un moyen de dépistage correct du cancer des ovaires. »
Vigilance des médecins, certes, mais aussi lucidité des patientes. Gynécologue à la clinique La Sagesse, à Rennes, le docteur Pierre-Louis Broux est catégorique : « Il faut faire un enfant avant 35 ans et sous la couette, c’est mieux que dans un labo. Les femmes nous consultent trop tard. Ce message passe mal, surtout quand de grandes entreprises proposent de financer les réserves d’ovocytes de leurs employées. C’est un glissement de notre société. La procréation médicalement assistée (PMA) c’est bien quand on a les trompes bouchées, pas quand on a dépassé l’horloge biologique. »
La Fiv, un vrai business
Elodie, qui a laissé tomber l’idée de faire un enfant, regrette de ne pas avoir été mieux informée :
Les médecins font bloc, la PMA est un vrai business.
Le biologiste Jacques Testart, père scientifique d’Amandine, premier bébé-éprouvette, ne la contredirait pas : « Les Fiv coûtent cher car les labos qui commercialisent les hormones de synthèse injectées aux femmes pour booster l’ovulation les facturent à un prix exorbitant pour notre Sécu surendettée. »***
S’acharner à outrance, augmenter les doses, c’est donc faire marcher le commerce, et « cela ne sert à rien. Vos lectrices réfléchiront », conclut le Pr Frydman.
* Organisation internationale indépendante qui réalise des revues systématiques apportant des informations fiables sur l’efficacité des soins. ** La Sécurité sociale prend en charge les patientes de moins de 43 ans et quatre tentatives de Fiv. Coût moyen d’une Fiv : 4 100 €. 4. ***Le JDD du 1er mars 2014.
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,et-si-les-fiv-provoquaient-des-cancers,817028.asp
Source : Marie Claire : Bien-être