Avoir le sentiment qu’on aurait pu mieux faire. D’ailleurs, on a mal fait. Mal fait « d’accepter ce poste qui implique deux déplacements par mois », soupire Sophie, 43 ans, qui se reproche de « ne pas donner assez de temps à ses enfants ». Mal fait « d’inscrire Matéo dans le même collège – public – que ses amis », se désole Céline : « J’ai l’impression de bousiller son avenir. Mais si je l’avais mis dans le privé, j’aurais culpabilisé aussi de ne pas respecter son choix. » Elodie, quant à elle, s’en veut « d’avoir donné le goût du sucre à sa fille », car elle en a abusé pendant sa grossesse, tandis qu’Amélie se déteste « chaque fois qu’elle rentre après 18 h 30 ».
Et puis il y a celles qui culpabilisent d’avoir divorcé… ou de ne pas l’avoir fait. Sandrine, qui a honte de « préférer le deuxième, sûrement parce qu’il me ressemble, d’ailleurs je m’en veux de lui avoir transmis mon caractère rêveur… ça ne va pas l’aider dans la vie ». Et Marie, 32 ans, mère d’une enfant sourde, qui se sent « responsable » de son handicap. Peu importe qu’elles soient cadres sup ou mères au foyer, en couple ou célibataires…
A l’image de la ministre Christiane Taubira avouant, dans une récente interview, avoir longtemps culpabilisé de ne pas avoir « été une mère assez présente », toutes les mères du monde paraissent avoir (au moins) une bonne raison de penser qu’elles ne sont pas assez bien. Pour comprendre les racines de cette culpabilité et saisir pourquoi la plupart des mères semblent penser que les malheurs susceptibles de s’abattre sur leur progéniture seront forcément de leur fait, il faut remonter à la grossesse.
Comme l’explique la psychanalyste Michèle Benhaïm, « la survie de l’enfant in utero dépend de celle de la mère. Elle se sent donc responsable (et potentiellement coupable) de tout ce qui pourrait lui arriver. » Cette hyper-responsabilité se poursuit après la naissance, car ce sont généralement les mères qui restent auprès des nourrissons. Or un nourrisson qui ne serait pas alimenté ne pourrait pas vivre. L’extrême dépendance du bébé transforme donc sa mère en être tout-puissant… qui continuera parfois à s’imaginer que son fils (de 15 ans) mourra de faim – par sa faute – si elle n’a pas rempli le frigo.
Le pire, c’est que cette mère-là n’a pas complètement tort. Car « faire un bébé, c’est aussi inscrire un sujet dans l’ordre de la mortalité », rappelle Michèle Benhaïm. De quoi générer une culpabilité généralement inconsciente mais éprouvée par Coralie, 30 ans, à sa première échographie : « En entendant les battements du coeur de mon fils, je me suis effondrée, en larmes. Je réalisais qu’en lui donnant la vie je lui donnais aussi la mort. » Comme le résume ce proverbe juif : « Dieu nepouvait pas être partout, alors il a créé la mère. »
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Source : Marie Claire : Bien-être