D’équivalent, il n’en existe pas. Jamais dans l’histoire de la musique un père n’avait décidé de se produire avec ses enfants sur les scènes de France et de Navarre. Certes, Matthieu Chedid a atteint depuis dix ans des sommets de popularité, et il remplit aisément Bercy à lui seul. Qui plus est, M avait choisi d’emmener son frère, Joseph, et sa sœur Anna sur les routes avec lui en 2010. Louis n’avait eu qu’à constater l’incroyable magie liant ses rejetons. Alors, quand le patriarche a décidé de les embarquer sur les routes pour chanter les titres de leurs répertoires respectifs, il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Le public a adhéré immédiatement, les concerts affichant tous complet. Les spectateurs qui ont eu la chance d’obtenir un sésame découvrent en ce moment un concert formidable, où un regard suffit à faire passer l’émotion. C’est sobre, élégant, très réussi musicalement. Et surtout jamais vu. Les Chedid évoquent avec nous cette histoire singulière.
A lire aussi: Benjamine des Chedid Attention à la Nach
Paris Match. Louis, en vous voyant arriver sur scène aux côtés de vos enfants, on vous sent plus qu’ému…
Louis. On vit quelque chose qui va bien au-delà d’un concert normal. Nous proposons certes un vrai spectacle musical, avec de bonnes chansons, de belles voix, mais on balance aussi au public une certaine forme d’harmonie. Et il semblerait que c’est le genre de sentiment dont on a besoin aujourd’hui. Nous vivons dans une société où le cynisme est trop présent, où chaque jour éclosent de nouvelles polémiques. Alors, voir un truc simple, sincère, fait sans marketing, ça fait du bien.
Est-ce plus facile de jouer en famille plutôt qu’avec des musiciens de studio ?
Anna. C’est différent. Avec ma famille, j’ai moins peur. On est très soudés, très liés, et cela nous donne un autre élan. Là, je me sens protégée et forte, c’est une autre intensité lorsque je défends mon projet toute seule.
Matthieu, Joseph et Anna, avez-vous été conditionnés pour devenir musiciens ?
Anna. Joseph et moi avons toujours baigné dans un univers musical. Plus petits, nous avons vu les débuts de Matthieu, il nous interprétait ses nouvelles chansons avant de dormir. Donc la musique faisait partie de notre vie. Même si au départ je ne pensais pas en faire mon métier, j’ai fini par me rendre compte que c’était ce qui me passionnait.
Joseph. Nous avons commencé à écrire nos premières chansons respectives très jeunes, nous devions avoir 11-12 ans. Avec Anna nous formions un binôme, elle chantait, elle écrivait les textes, moi, je jouais de la guitare et de la batterie. Et au fil du temps on a grandi, pour aller chacun de notre côté.
© Hélène Pambrun
Les Chédid: ainsi soient-ils
Louis. Tout s’est fait naturellement, nous n’avons jamais été “la famille gratouille”, même si, en vacances, cela a pu m’arriver de prendre la guitare. Les gens qui pensent que parce que tu es musicien tes enfants le seront également se trompent. Tous les fils d’artistes ne sont pas musiciens vu le nombre de chanteurs sur la planète.
Matthieu. Beaucoup sont quand même mélomanes ou musiciens…
Louis. Bien sûr, mais ce n’est pas parce que ton père est musicien que tu as envie d’en faire ton métier. Je l’ai vu avec toi, Matthieu, quand tu as commencé à jouer de la guitare, je ne me disais pas obligatoirement que tu deviendrais musicien. Les choses se sont imposées avec le temps, quand tu as commencé à monter des groupes, à jouer avec d’autres.
« Nous n’avons jamais été “la famille gratouille”. Notre boulot, c’est de faire du bien » Louis ChedidMatthieu, dans ce spectacle, il n’a jamais été question de voir M ?
Matthieu. Il y a bien longtemps que j’ai lâché la coiffe… Ce spectacle est bien plus spontané qu’un show de M. C’est pour ça que nous avons choisi juste nos prénoms comme titre ; “La famille Chedid”, ça aurait été tout de suite un peu limite…
Anna, Joseph, est-ce compliqué d’exister face à un monstre scénique comme Matthieu ?
Anna. Matthieu comme papa nous ont toujours poussés à exister, à affirmer qui nous sommes et à nous affranchir. Tout en nous conseillant de la bonne manière, en portant un regard bienveillant. Tout cela est très sain.
Deux chansons au milieu du spectacle rappellent aussi votre engagement. “Anne, ma sœur Anne” de Louis et “Comme un seul homme” de Matthieu. Cela vous semblait essentiel de donner une dimension politique au concert ?
Louis. On est d’accord tous les quatre sur le fond. “Anne, ma sœur Anne”, qui parle de la montée du Front national, je l’ai écrite en 1984. Rien n’a changé depuis, les choses ont même empiré, le FN à l’époque n’était même pas à 5 %. Nous n’étions pas obligés de la chanter, mais cela nous a semblé important. Certains artistes n’aiment pas mêler le discours politique à la chanson. Mais là il n’est même pas question de politique, plutôt d’humanisme. De temps en temps, il faut dire les choses. “Anne, ma sœur Anne”, que nous interprétons à quatre voix, est devenue intergénérationnelle, elle parle à chacun d’entre nous malgré nos âges différents. C’est ce que Matthieu a voulu faire aussi avec sa chanson “Comme un seul homme”. On voit bien l’écho incroyable qu’elle rencontre chaque soir.
Matthieu, vous présentez ce titre en précisant qu’“il ne faudrait pas oublier trop vite les événements de janvier”. Avez-vous l’impression que c’est ce qui se passe ?
Matthieu. On est dans un monde où l’on zappe facilement. Donc, oui, on a été marqués par les tueries de janvier, mais en ce moment on parle plus des polémiques liées à l’héritage de “Charlie Hebdo”. On semble déjà avoir oublié ce mouvement fraternel, quoi qu’en disent certains qui vont jusqu’à affirmer que cela ne s’est pas passé, que c’était faux. On a tellement tendance à diviser, à tout lire avec cynisme, que j’ai eu envie de faire quelque chose de cette énergie rassembleuse. Alors, oui, on peut tomber dans la facilité et le pathos. C’est le risque. Et c’est pour cela que j’ai toujours eu peur de la chanson engagée.
« On semble déjà avoir oublié ce mouvement fraternel né après la tuerie de “Charlie”. J’ai eu envie de faire quelque chose de cette énergie rassembleuse » Matthieu ChedidC’est le reproche que l’on peut faire à votre génération. A force de ne pas vouloir prendre parti, vous ne dites rien.
Matthieu. Je dis des choses à ma manière, c’est un engagement poétique plus que politique. “Je dis aime” est une chanson très engagée, même si ce que j’y raconte n’est pas négatif.
Louis. Moi aussi je déteste la chanson engagée, la chanson militante avec le poing levé. Je ne parle pas de Renaud, qu’on soit bien d’accord, mais de gens qu’on a oubliés pour la plupart. Les chansons militantes, Léo Ferré mis à part, sont très chiantes. “Comme un seul homme” comme “Anne, ma sœur Anne” parlent au contraire d’événements sur le vif. Mais si tu rates ton coup, c’est terrible, tu rends service à la cause adverse.
Joseph. Un musicien doit de toute façon s’exposer. François Hollande est venu nous saluer après notre premier concert à l’Olympia. Nous avons discuté avec lui et je me sentais un peu en décalage par rapport à tout cela. Car au fond, lui comme nous, ce qui nous importe, c’est d’essayer d’aller dans le bon sens. Si nos chansons peuvent aider, tant mieux ; elles ont un truc humaniste, elles sont tournées vers l’avenir.
Louis. Notre boulot c’est de faire du bien, faire plaisir et aussi faire réfléchir. Si on arrive à émouvoir, c’est déjà tellement formidable… Quand on voit le bonheur qu’on peut donner aux gens grâce à un spectacle et encore plus avec celui-là, on se sent utile. C’est un engagement réel, avec du travail et de la sueur.
Vous pensez à l’après ?
Louis. Pour moi, plus que pour les enfants, c’est une vraie question. Remonter sur scène après ce qu’on est en train de vivre, je ne sais pas… Il faudrait vraiment que je trouve une très bonne idée. Ou que j’adopte une dizaine d’enfants !
Louis, Matthieu, Joseph & Anna Chedid, en tournée actuellement, concert supplémentaire le 6 septembre à l’Opéra Garnier, Paris IXe.
Source Article from http://www.msn.com/fr-be/divertissement/musique/les-ch%C3%A9did-ainsi-soient-ils/ar-AAbR8ZA?srcref=rss
Source:MSN Belgique – Hotmail, Outlook, Skype, actualité, photos et vidéos