Journée internationale, bars consacrés et, depuis quelques mois, ateliers… le câlin a le vent en poupe. Après la Suisse, en Angleterre et aux Etats-Unis, le concept d’ateliers a été repris à Paris par Eric Da Costa, un passionné de développement personnel, et s’exporte à Marseille, le 26 avril prochain. Selon lui, ces séances ont pour vocation de créer un « espace de partage corporel sans énergie sexuelle » constituant « une alternative au dédale de la vie sociale ». Avec 150 « membres de cœur », dont une trentaine à chacun des quatre à six ateliers mensuels, cette déferlante de tendresse n’en finit plus de séduire. Alors, réelle réconciliation avec l’humanité ou exploitation de la solitude ?
19 heures. Avant la séance « câlin », la démarche pas très assurée, nous décidons d’aller boire une pression au bar du coin pour faire redescendre la nôtre. Après avoir franchi toutes les étapes préalables à l’atelier – questionnaire, entretien par téléphone –, nous voici prêtes à nous lancer dans cette folle aventure « câlinage ».
19 h 30. Avant d’entrer dans la salle, nos regards se croisent : il est encore temps de faire demi-tour. Derrière nous, un homme, la trentaine, à la mine déconfite. Visiblement nous ne sommes pas les seules à nous demander quelle mouche a bien pu nous piquer… Nous poussons la porte. Stéphane et Carole nous accueillent, en même temps que des effluves de tisane. Les consignes de participation sont claires : une hygiène soignée mais pas de parfum et une tenue confortable. Une vingtaine de participants sont déjà là, assis en tailleur. Le besoin de déconnection se fait déjà sentir : certains ferment les yeux en expirant longuement, d’autres échangent timidement quelques mots.
19 h 45. Le groupe est au complet. Stéphane, l’animateur, s’installe face à nous et nous demande d’ « apprivoiser notre propre corps » en fermant les yeux. Dans ce silence de plomb où tous les « câlineurs » semblent si appliqués, le fou-rire part, incontrôlable. Nous reprenons vite notre sérieux, de peur de passer pour deux ados attardées, incapables de mesurer l’enjeu qui se joue.
19 h 55. A tour de rôle, chacun doit dire à voix haute son prénom et son état d’esprit : « Victoria, anxieuse », « Emmanuelle, intriguée », « Patrice, impatient »… Une fois le tour terminé, sur fond de musique zen, nous nous mettons en mouvement pour occuper l’espace. Petit à petit, les regards se croisent, les corps se détendent, les visages se dérident.
20 h. Vient la poignée de main, où l’on se présente les uns aux autres, suivi du baise main. Les hommes s’exécutent, les femmes peuvent – si elles le souhaitent – rendre la pareille. Plutôt intimidées au départ, c’est finalement assez naturellement que nous nous prenons au jeu.
20 h 30. Chaque femme se retrouve face un homme. Elle doit progressivement avancer vers lui, en le regardant dans les yeux et en se laissant guider par son envie de l’étreindre – ou pas. « Il ne doit pas y avoir de sentiments ou de gestes forcés », prévient Carole. Tandis que l’une de nous deux se retrouve face à un jeune partenaire, l’autre – moins chanceuse ? – tombe sur un coéquipier bien plus âgé. Puis vient le tour des hommes d’enlacer ou non celle qui leur fait face. Carole plaisante : « Généralement, les hommes sont un peu plus rapides à avancer ! » Cela se confirme : en moins de trois minutes, la plupart des « câlineurs » sont déjà collés à leur partenaire féminine.
21 h. Le prochain exercice est supposé nous aider à refuser les propositions allant à l’encontre de nos envies. Assis en cercle, alternant femme et homme, chacun se tourne vers son voisin de droite. L’homme demande à sa partenaire : « Veux-tu partager ce câlin avec moi ? » Et elle doit répondre non, quel que soit son désir. Après quoi, il ajoute : « Merci ». Ce dialogue saugrenu, qui se déroule non sans gloussements, se répète à trois reprises, afin de bien intégrer – nous dit-on – que le refus est acceptable (et accepté).
21 h 30. Les participants errent à travers la pièce à la recherche d’un câlineur pour partager « l’expérience du matelas ». Pendant une heure et demie, avec trois personnes différentes, on jouera à tour de rôle le « donneur » et le « receveur ». Installés sur le matelas, le receveur fait une requête à son donneur : « Peux-tu me caresser l’épaule ? », « Peux-tu me masser le dos ? »… Libre au donneur d’accepter ou non. Certains sont enlacés, parfois allongés, tandis que d’autres, moins à l’aise – ou moins envoûtés par leur partenaire – discutent en se massant la tête ou se tenant les mains.
23h. A l’issue de ces heures d’intimité, certains semblent se réveiller d’une longue torpeur. Le groupe se prête à un câlin collectif, bouquet final de cette session éprouvante. Puis on échange ses impressions : « C’est une histoire de corps bienveillants », estime Bérénice, 39 ans. « Deux ans que je participe. J’y ai fait de nombreuses rencontres », confie Guy, l’un des premiers « membres de cœur » du collectif. Ensuite, on sert du thé. Parfois on se prend les uns dans les bras des autres. On ne sait plus très bien si c’est par reflexe ou par simple camaraderie, mais en tout cas, on le fait avec une facilité déconcertante.
Par Victoria Desmond-Salinas et Emmanuelle Rivière
Nos impressions :
Victoria, 27 ans, câlineuse convaincue
J’ai toujours eu envie d’approfondir un lien de fraternité humaine parce j’ai le sentiment, qu’au quotidien, on est trop fréquemment dans un rapport de défiance et d’animosité envers « l’autre » plutôt que dans un rapport de solidarité. Je n’ai jamais été hérissée par le contact physique quand celui-ci est innocent. J’ai donc accepté ces échanges comme une tentative enrichissante, vécue, certes, avec un peu d’étrangeté, car parfois artificielle, mais l’appellation « atelier » laissait présager cela. On apprend clairement sur soi : ses limites, ses craintes et ses envies. Une fois dans la rue, le corps est comme affranchi de toute tension liée à l’appréhension de l’autre. On se sent légère, on regarde les gens… C’est sans aucun doute une expérience inédite, qui pousse chacun dans ses retranchements.
Emmanuelle, 24 ans, câlineuse sceptique
L’expérience a eu sur moi des vertus positives. C’était à la fois surprenant, amusant et relaxant. J’ai cependant eu du mal à me laisser aller pleinement. D’abord, à cause de la différence d’âge parfois « abyssale » qui me séparait de certains participants. Ensuite parce qu’il est difficile de faire abstraction totale du côté sexuel qu’engendre ce genre de rapprochements physiques. Sans tomber dans des présupposés faciles, on imagine que beaucoup de participants sont là pour combler un manque d’affection dans leur vie. Faire de cette solitude une entreprise lucrative me dérange. (22 € l’atelier, le prix reste raisonnable mais tout de même…) Si, d’après les animateurs, ces ateliers n’ont pas la même vocation qu’un site de rencontre, 80 % des participants sont célibataires… Alors, câliner des inconnus de manière bienveillante une fois dans sa vie peut être une expérience étonnante, mais en comprenant son sens et en acceptant ces exercices un brin superficiels.
De 4 à 6 ateliers par mois, 22 € la séance de 3 h 15, Centre Bios, 8, impasse Druinot, Paris, 12e. Séance à Marseille, le 26 avril, de 14 h 30 à 17 h 45, La Place du Village, 4, rue des Tyrans, 7e. Infos sur www.atelierscalin.fr.
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,on-a-teste-l-atelier-calin,736677.asp
Source : Marie Claire : Bien-être