Disons que tout est fait pour nous décourager de manger de la viande. Après le veau aux hormones, la vache aux farines animales et le poulet aux antibiotiques, le scandale des lasagnes au faux bœuf mais au vrai cheval… sans compter la flambée des prix (+ 24 % en dix ans), rien d’étonnant à ce que les fans d’entrecôte soient lassés, voire inquiets. Entre 1998 et 2009, les achats de viande ont diminué de 7 % en France.
Baisse de la consommation de viande : un bienfait pour la planète ?
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les élevages sont responsables de 70 % de la déforestation, de 18 % des émissions de gaz à effet de serre (plus que tous les transports de la planète), et ils absorbent 70 % de l’eau mondiale (la production de 1 kg de bœuf requiert 15 500 litres d’eau). Les scientifiques réunis lors de la conférence mondiale sur l’eau de 2012 ont été formels : en 2050, nous serons 9 milliards, sans autre choix que de passer au végétarisme. D’autant que les régions émergentes n’ont qu’un désir : adopter notre mode de vie et dévorer de plus en plus de steaks.
Viande : Des atouts nutritionnels… qu’on trouve aussi ailleurs
Décortiquons les avantages d’une côte de bœuf. Plébiscitée pour ses protéines, son fer et ses vitamines du groupe B, dont la B12, est-elle la seule source possible de protéines ? Non. On en trouve dans le poisson, les coquillages et crustacés, les laitages, les œufs, les céréales et les légumineuses. Par ailleurs, mettre les protéines au centre de notre assiette est exagéré. Elles ne doivent représenter que 15 % de notre alimentation.
Sont-elles toutes identiques ? A peu près. Elles sont composées d’acides aminés, dont huit qualifiés d’essentiels pour notre santé. Ces derniers sont présents, au complet, dans la viande et le poisson, mais aussi dans le soja et l’algue spiruline. Céréales et légumineuses sont, elles, incomplètement dotées : il manque de la lysine aux premières, et aux secondes des acides aminés soufrés. Cela ne pose pas de problèmes, sauf dans la vie quotidienne : préparer un dîner végétarien demande plus de temps et de réflexion que de servir un menu jambon-pâtes, mais on s’en sort. D’ailleurs, beaucoup de pays ont déjà leur combinaison pour obtenir le bon équilibre : couscous et pois chiches au Maghreb, riz et lentilles en Inde… La viande ne serait donc pas indispensable ?
On peut vivre sans viande. Mais sans protéines animales ? Là, je suis plus réservé. Si on s’en prive totalement, comme les végétaliens, on se retrouve avec un programme de vie assez complexe à suivre.
nuance le nutritionniste et docteur Arnaud Cocaul (auteur de « Le SAV des régimes »).
Confirmation d’une autre nutritionniste, Nathalie Hutter-Lardeau (auteure de « Mince alors !) : « Se passer de viande ou de protéines animales en général, c’est devenir un expert. Il faut jongler entre les menus de manière à trouver ses rations de protéines, fer et vitamines. Je suis vigilante lorsqu’on me demande un régime sans protéines animales pour un enfant, une femme enceinte ou une personne âgée. »
Autre atout de la viande : sa richesse en fer. Depuis Popeye, on sait qu’il y en a aussi dans des végétaux, comme les épinards (pas tant que ça), les épices (cumin, coriandre, cannelle…), le soja ou les algues. Mais tous ne se valent pas. Celui d’origine animale, « héminique », est le plus facilement assimilable par l’organisme : 10 à 30 % de ce fer ingéré sont efficaces. Celui d’origine végétale n’est absorbé qu’à hauteur de 1 à 5 %. A priori, pour obtenir sa dose journalière (14 mg), le plus simple est donc la belle entrecôte : « Plus elle est rouge, plus elle est riche en fer héminique », note Nathalie Hutter-Lardeau. Cependant, les abats (foies, rognons) et les fruits de mer en renferment davantage : le bigorneau en contient deux fois plus que le rosbif, la palourde, trois fois plus.
On n’a pas tous les mêmes besoins en fer. Une part de boudin noir tous les quinze jours pour les enfants suffit. En revanche, les femmes, qui perdent, au moment de leurs règles, de 15 à 25 mg de fer par jour, doivent augmenter leur apport.
Astuces : forcer sur la vitamine C (cassis, persil, poivrons crus, agrumes, fruits rouges…), qui permet de mieux assimiler le fer non héminique. Et puis « attention au thé, vert en particulier, qui a un impact négatif sur le fer. Surtout si on le boit pendant les repas, » ajoute le Dr Cocaul. Restent les vitamines du groupe B, particulièrement la B12, qu’on ne trouverait que dans la viande, le poisson, le lait et les œufs. Des études récentes montrent que l’algue nori et la spiruline en contiennent aussi. Et, de l’aveu des nutritionnistes, les carences en vitamines du groupe B sont rarissimes.
La viande en partie responsable de cancer et diabète : le vrai du faux
La viande ne favoriserait-elle pas les maladies coronariennes, le diabète de type 2, le cancer du côlon ? Attention aux approximations. Quel rapport entre du travers de porc, riche en acides gras saturés (les pires), et un blanc de volaille, pauvre en tout, sauf en protéines ? L’ennemi serait plutôt la viande rouge. Et encore, pas toutes : un steak grillé est trois fois moins gras qu’une entrecôte cuite de même. Pour autant, les viandes rouges les plus grasses sont-elles à bannir ? Non, c’est une question de dosage. Tout en gardant en mémoire que, consommées avec excès (plus d’une fois par semaine), elles favorisent le surpoids et, par ricochet, les maladies cardiovasculaires et le diabète.
Concernant le cancer, ça se corse. Selon l’Institut national du cancer, « la consommation excessive de viandes rouges (bœuf, mouton…) et de charcuteries (porc) constitue un facteur de risque pour le cancer du côlon et du rectum ». Mais le cancérologue David Khayat n’y croit pas : « Aucune étude ne l’a démontré. » En revanche, tout le monde s’accorde à suspecter la cuisson au barbecue, pourvoyeuse d’hydrocarbures polycycliques et d’amines aromatiques hétérocycliques.
Une alimentation sans viande nous mettrait-elle à l’abri de ces maux ? « Peut-être, répond le Dr Cocaul, si on en croit une étude américaine qui a comparé des adventistes du septième jour, végétariens, et des mormons, omnivores. Les premiers présentaient à l’évidence un moindre taux de cancer, de diabète et de maladies coronariennes. » Mais difficile de savoir si cela provient plutôt de l’alimentation ou d’un mode de vie très rigoureux, sans aucun excès.
Lorsqu’on exclut la viande de son alimentation, il serait dommage de ne pas manger de poisson. C’est une source intéressante d’acides gras essentiels (oméga 3). Même si on en trouve dans les huiles végétales, mais là on change de registre calorique : l’huile, c’est 100 % de matières grasses.
précise Nathalie Hutter-Lardeau.
Notez qu’on trouve aussi les oméga 3 dans les algues océaniques.
La vedette des régimes végétariens, c’est le soja, en graines, farine, huile, lait, yaourt, tofu et sauce. Dotées de la palette complète d’acides aminés essentiels, les graines de soja contiennent presque deux fois plus de protéines (40 %) que la viande. Mais ce taux chute dans les produits couramment utilisés chez nous : le lait de soja (3,5 %) et le tofu (9 %). Il renferme aussi des phytoestrogènes (isoflavones), qui peuvent réduire les bouffées de chaleur lors de la ménopause (un bon point), mais aussi perturber le mécanisme de lactation chez les femmes qui allaitent et favoriser la prolifération de tumeurs chez les ménopausées qui ont eu un cancer du sein (deux mauvais points).
L’avenir des grillons séchés et des steaks in vitro pour remplacer la viande ?
Vous préférez les insectes ? L’Union européenne a investi 3 millions d’euros afin qu’ils remplacent viandes et poissons. Pas tentée ? Il reste le steak in vitro, à l’état de recherche (on ne parvient à produire que quelques centimètres de muscle, qui coûtent plusieurs milliers de dollars)…
Éliminer la viande de nos menus n’est pas pour tout de suite. Mais c’est un fait, nous en mangeons trop : avant de décroître ces dernières années, notre consommation a triplé entre 1900 et 1990. Dans notre assiette, 70 % des protéines sont d’origine animale, alors qu’il y a un siècle 70 % provenaient des végétaux. Pour retrouver cet équilibre, au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas s’organisent des journées sans viande. A Paris, les cantines scolaires du 2e arrondissement ont instauré une journée « veggie » par semaine.
Notre cuisine est centrée autour des viandes en sauce : blanquette, boeuf aux carottes… Et, lorsqu’on mitonne des petits pois, c’est avec du lard. Cependant, de la même manière que nous ne dégustons pas du foie gras à tous les repas, il est temps de mettre la pédale douce sur la bavette à l’échalote et de cuisiner légumes, graines et céréales à notre manière.
Retrouvez ce soir sur France 5 le documentaire « Un monde sans viande » à 20h40
Source Article from http://www.marieclaire.fr/,un-monde-sans-viande-possible-ou-pas,814075.asp
Source : Marie Claire : Bien-être