Paris Match. Avant d’accoucher, vous vous demandiez si vous seriez une mère à la hauteur. Votre fille Ali a 2 ans. Avez-vous un début de réponse ?
© Vincent Capman Maquillage : Dr. Hauschka. Coiffure : Franck Provost. Stylisme : Charlotte Renard. Ma…
Virginie Efira, une plage de sérénité
Virginie Efira. Ça veut dire quoi, à la hauteur, et l’est-on jamais ? Je ne me fixe pas d’objectifs, je ne suis pas dans la performance maternelle. J’essaye, et c’est déjà pas mal, de transmettre sans trop plaquer mes propres angoisses ou mes désirs.
Ça renforce ou ça fragilise ?
Ça questionne. Je me rends compte, par exemple, que j’ai tendance à moins sortir pour faire la fête. Est-ce que je perds mon indépendance, ma curiosité, ma liberté ? Est-ce bien ou mal ? Avoir un enfant, c’est découvrir l’amour le plus puissant et la fin de l’insouciance.
Avez-vous pris un peu de temps pour rester avec elle avant de retravailler ?
Parmi les valeurs que j’ai envie de lui transmettre figurent l’indépendance et l’épanouissement personnel. Ali m’accompagnait sur le tournage de “Caprice ”, d’Emmanuel Mouret, alors qu’elle n’avait que 10 mois. Depuis, elle me suit partout. Elle découvre, elle partage, elle s’ouvre au monde, même si elle comprend encore assez peu la nature réelle de mes activités. Je suis d’ailleurs assez gênée quand je lui dis “maman travaille”, alors qu’on est en train de me mettre du rouge à lèvres.
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Vous avez toujours eu une connexion directe avec l’enfance. Est-ce d’autant plus vrai avec votre fille ?
Je ne vis pas de phase régressive, mais son émerveillement, sa capacité à débusquer de la joie n’importe où rejaillissent sur moi. Evidemment, il m’arrive parfois de songer à mon propre passé. Je comprends mieux mes parents. J’intègre la nécessité de poser des limites. On ne fait pas des enfants pour leur dire systématiquement oui afin qu’ils nous aiment.
Vous deviez tourner dans “Sage-femme” sous la direction de Mabrouk El Mechri, le père de votre fille. Pourquoi le film ne s’est-il pas fait ?
Nous nous étions rencontrés sur cette proposition. Mon personnage devait justement s’appeler Ali. La réalité de notre histoire a devancé la fiction. Elle l’a même remplacée.
Votre personnage dans “Une famille à louer” dit : “La famille, c’est le havre de paix. Sans elle, on n’est rien.”Est-ce ainsi que vous pourriez définir ce qui vous unit à vos parents devenus grands-parents ?
Cette relation est primordiale pour moi et j’en prends soin. Il peut arriver qu’elle soit moins juste, moins intime, que cela marche moins bien. C’est formidable d’avoir la possibilité d’en parler. La famille peut parfois être un enfermement avec ses non-dits, ses secrets. Je peux comprendre la nécessité de la fuir. Dans la mienne, malgré la séparation, la bonté circule à tous les étages.
« Pour moi, Paris, c’était Shanghai. Je m’y imaginais avec six maris, je délirais »Vous vous êtes mariée à 25 ans avec le réalisateur Patrick Ridremont. Avez-vous eu l’impression de fonder une famille ?
Non, absolument pas ! Je vivais avec quelqu’un qui avait trois enfants. Et moi, je n’avais pas envie d’en faire à ce moment-là. Et puis nous nous sommes séparés. J’ai toujours eu du mal à concevoir une rupture comme un échec. Les liens qui unissent deux personnes, si elles s’aiment, ne peuvent pas se détruire d’un coup quand elles se quittent. Ils se transforment. C’est la raison pour laquelle j’ai souvent dit que mon ex-mari fait toujours partie de la famille.
La grande famille du cinéma : vous retrouvez-vous dans cette formule ?
Quand je suis arrivée à Paris, j’ai ressenti une forme de solitude qui a duré. Pourtant, je n’arrive pas à considérer ce milieu comme exclusivement individualiste. Aujourd’hui, j’y ai des amis très proches.
Mais fréquenter régulièrement ceux avec qui on travaille, est-ce forcément l’essentiel ?
J’y ai rencontré des personnes que je ne revois plus du tout, comme Gérard Depardieu, mais qui m’ont tellement marquée qu’elles ne me quittent jamais.
Votre père, médecin, traite les cancers du sang et de la moelle épinière. Que vous a-t-il inculqué ?
Les bons sentiments comme une ligne de conduite mais surtout, surtout, ne jamais en faire étalage. Il travaille dans un hôpital public et sauve des vies. Il n’y a rien de narcissique là-dedans. Mon père a ses angoisses, une forme de gravité. Je me sens très inconséquente comparée à lui. Ce que je trouve très inspirant, c’est son positionnement dans la vie. Il possède un grand sens de l’altérité, de ce qui est juste.
Vous a-t-il également transmis la conscience de la fragilité de l’existence à force de côtoyer la mort ?
Cela vient plus de ma mère qui, étant jeune, a perdu quelqu’un de très proche. Cet événement tragique lui a insufflé une force indéniable, une grande capacité d’adaptation. Ma mère regarde la vie à travers le prisme du bonheur, elle cherche toujours à être heureuse. J’espère qu’elle m’a légué cette qualité.
Et quoi d’autre ?
Comme elle, peut-être, je n’aime pas l’immobilisme. Je trouve très exaltante l’idée d’aller vers ce que je ne connais pas.
Pourquoi, étant enfant, signiez-vous des autographes dans la cour de récréation ?
Il y avait ce désir de notoriété que je trouve très suspect. La notoriété, je l’ai connue grâce à la télévision. Je sais aujourd’hui à quel point elle n’a aucun intérêt pour le développement personnel. Mais il y avait aussi une envie très forte d’aventure. Je fantasmais. Les films que je voyais en famille m’influençaient beaucoup. Pour moi, Paris, c’était Shanghai. Je m’y imaginais avec six maris, je délirais. Aujourd’hui, le cinéma est certainement une façon d’accomplir mes rêves de petite héroïne.
« Jeanne Moreau… Je suis folle de “La baie des Anges”, de Jacques Demy, et de ses films avec Truffaut »L’humour que vous manifestez dans de nombreuses situations est-il une forme de protection ?
Oui, un peu comme si je n’osais jamais me livrer. J’aime la pudeur, y compris dans l’intimité. L’humour sert aussi à dissimuler une certaine vulnérabilité et cela peut parfois donner une impression de dureté. Si l’on devait me caricaturer, on pourrait dire : quelqu’un d’un peu casse-pieds, qui veut tout structurer, maîtriser, qui analyse, qui cherche du sens à tout. A un moment, j’ai même aimé boire pour ne plus m’entendre. Je m’oubliais, c’était formidable. Cela me pousse vers ces aventures humaines que sont les films. Là, je consens à perdre un peu pied, le jeu devient une forme d’abandon. Je trouve mon équilibre entre maîtrise et lâcher-prise. Mais l’humour, cet humour qui me protège, je n’ai pas envie de travailler pour le perdre. Mes proches ne s’en plaignent pas. Même ma fille me dit sans arrêt : “C’est rigolo, ça.”
Avec Benoît Poelvoorde, votre partenaire, vous avez fait des fêtes jusqu’au bout de la nuit… Etait-ce vos deux mélancolies qui s’exprimaient ?
Les orchestres qu’on a fait déménager, les endroits mornes qui devenaient brusquement très, très vivants, c’était bien avant le tournage. Quand je travaille, je suis sage. Mais vous avez raison, j’ai suffisamment de mélancolie en moi pour comprendre la sienne, qui me touche, et pour la laisser tranquille. De toute façon, je ne peux pas me mettre à son niveau. Chez Benoît, c’est vertigineux.
Comme modèles, vous citez Catherine Deneuve, Simone Signoret, Jeanne Moreau, “des femmes qui en ont dans le ciboulot”. Vous sentez-vous de la même famille ?
J’ai encore beaucoup de mal à me dire que je pourrais leur ressembler, comme si je ne pouvais m’autoriser ce rêve. Simone Signoret… Dans la bibliothèque de mes parents, il y avait son livre, “La nostalgie n’est plus ce qu’elle était”, que j’ai dévoré. Je me souviens de la dignité de ses déclarations sur l’affaire Montand-Marilyn. Je trouvais cette posture et cette compréhension très belles. Elles me guident encore : pour moi, aimer le même homme, ça réunit plus que ça ne divise. Jeanne Moreau… Je suis folle de “La baie des Anges”, de Jacques Demy, et de ses films avec Truffaut. Les chansons d’amour qu’elle a interprétées et parfois écrites m’ont toujours bouleversée. Ces deux actrices ont en commun l’intelligence, la carrure, la distinction d’esprit mêlées à une forme de romantisme sensuel et de liberté totale. C’est irrésistible.
Et Catherine Deneuve ?
S’il m’arrive d’être au même endroit qu’elle, je n’ose pas croiser son regard, je n’imagine même pas lui dire bonjour. J’aime son appétit de la vie, le goût pour la jouissance qu’on devine chez elle. Et puis la longévité, le talent, l’humour, le recul sur elle-même qui désacralise son statut. Elle est un exemple entre tous.
Le seul moyen de ne pas trop mal vieillir, selon vous, serait de rester curieux des autres. Est-ce que ça ne vaut pas aussi dans les relations avec les enfants ?
Garder l’émerveillement et la curiosité, bien sûr ! Il faut parvenir à dépasser ses propres certitudes, accepter la remise en question. Parfois ça me fatigue parce que j’aime bien avoir mes petites théories sur tout. Mais j’accepte. Grande soeur ou mère, je n’ai pas l’impression que mon savoir détermine la marche du monde. Et pourtant, avec Ali, je représente l’autorité, une forme de guide. En même temps, quand je lui dis : “Non ma chérie, ce n’est pas toi qui décides”, elle me répond déjà : “Oh, j’en ai marre !” Ça promet, non ?
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